Entre deux rives : Xavier Le Clerc dévoile les blessures cachées de la colonisation française

Rédigé le 28/04/2025
L' Articlophile


Un simple refus de vendre du pain devient le point de départ d'une exploration bouleversante de l'histoire coloniale française. Dans son roman "Le Pain des Français", Xavier Le Clerc transforme une humiliation personnelle - "Ici, on ne vend pas le pain des Français aux bougnoules !" - en une réflexion profonde sur les séquelles persistantes de la colonisation algérienne.

L'auteur, fils d'immigrés algériens, tisse habilement deux récits parallèles : son enfance en France et l'histoire reconstituée d'une fillette kabyle nommée Zohra, dont le crâne repose aujourd'hui dans les sous-sols du Musée de l'Homme à Paris. Cette découverte macabre de milliers de restes humains, vestiges anonymes des massacres coloniaux, devient le fil conducteur d'une narration qui transcende les époques.

Le récit s'appuie sur une recherche méticuleuse, puisant dans les archives historiques et les témoignages pour reconstituer la violence de la conquête coloniale. "Ces crânes n'étaient que des spécimens pour la science de l'époque", rappelle Le Clerc, illustrant la déshumanisation systématique des populations algériennes. Des figures historiques comme Camus et Clemenceau apparaissent dans le récit, ancrant la fiction dans la réalité historique des exactions commises.

Pourtant, l'auteur refuse de s'enfermer dans l'amertume. Son œuvre ouvre des perspectives de réconciliation entre les deux rives de la Méditerranée, évoquant des gestes concrets comme la restitution des restes humains. La critique salue unanimement cette capacité à faire dialoguer mémoire individuelle et collective, tout en posant des questions essentielles sur l'identité et la transmission.

"Le Pain des Français" transcende ainsi le simple témoignage historique pour devenir un pont entre les générations et les cultures. À travers son écriture intense et documentée, Le Clerc invite à une réflexion sur la possibilité d'un avenir commun, où la reconnaissance des blessures du passé ouvre la voie à une véritable fraternité entre les peuples.