Boualem Sansal : un écrivain engagé face aux défis contemporains

Rédigé le 05/12/2024
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L'écrivain algérien Boualem Sansal suscite actuellement de vifs débats avec son dernier roman "Le Train d'Erlingen ou la métamorphose de Dieu" (Gallimard). À travers une narration épistolaire, l'auteur livre une analyse percutante des menaces qui pèsent sur les sociétés occidentales, de l'islamisme radical aux populismes européens.

Universitaire devenu haut fonctionnaire, Sansal a basculé dans l'écriture engagée pendant la guerre civile algérienne des années 1990. Cette période charnière lui a fait prendre conscience des liens entre déliquescence économique et montée de l'extrémisme. Son premier roman "Le Serment des barbares" (1999) dénonçait déjà les responsabilités croisées du gouvernement, des islamistes et de la société civile dans la crise algérienne, lui valant l'hostilité dans son pays d'origine.

Dans son dernier ouvrage, Sansal établit un parallèle saisissant entre l'Algérie des années 1990 et l'Europe d'aujourd'hui. Il y dénonce un projet organisé de déstabilisation des sociétés occidentales par l'islamisme radical, alimenté selon lui par des financements du Golfe et une propagande efficace sur les réseaux sociaux. L'écrivain pointe particulièrement l'inaction des dirigeants européens, reprochant notamment à François Hollande et Manuel Valls leur manque d'anticipation face à cette menace.

Pour Sansal, l'Europe fait face à une double menace : d'un côté l'islamisme radical, de l'autre la montée des populismes qu'il voit comme une réaction aux peurs générées par le terrorisme et l'immigration. Ces deux forces forment selon lui une "tenaille" fragilisant les démocraties, sur fond de tensions économiques exacerbées par un capitalisme mondialisé "hors-sol".

Face à ces défis, l'écrivain préconise des mesures concrètes : redéploiement diplomatique contre le wahhabisme, renforcement de l'intégration culturelle et de l'apprentissage du français. Il rejette en revanche les solutions qu'il juge simplistes, comme l'enseignement généralisé de l'arabe dans les écoles françaises.

Son style direct et ses métaphores provocatrices, comme celle du "maquis bureaucratique" pour décrire la société française, lui valent parfois des critiques. Mais Sansal assume cette approche coup de poing, la jugeant nécessaire pour éveiller les consciences face aux menaces pesant sur les libertés fondamentales.

À travers son œuvre et ses prises de position courageuses, Boualem Sansal s'impose comme une voix majeure du débat intellectuel contemporain. "Le Train d'Erlingen" résonne comme un appel à la vigilance face aux périls qui menacent nos sociétés démocratiques.