Pour Hicham Alaoui, universitaire et membre de la famille royale marocaine, la compatibilité entre islam et démocratie n'est plus à démontrer. Dans un entretien accordé à RFI, il analyse les conditions nécessaires à une coexistence réussie entre forces islamistes et laïques dans le monde arabe.
L'exemple tunisien démontre qu'un tel pacte politique est réalisable. Plusieurs facteurs expliquent cette réussite : l'héritage modernisateur de Bourguiba, l'absence d'une armée puissante susceptible d'interférer dans le processus politique, et une histoire commune de répression sous Ben Ali qui a paradoxalement rapproché islamistes et laïcs.
À l'inverse, l'échec de la transition démocratique en Égypte s'explique par une relation complexe entre les Frères musulmans et les militaires, marquée par une instrumentalisation mutuelle et l'influence néfaste des pays du Golfe. Le cas marocain présente une autre configuration : la monarchie, première organisation islamiste du pays, a su adapter tactiquement son régime après le Printemps arabe, tandis que le PJD a privilégié l'apaisement avec le pouvoir plutôt qu'une véritable démocratisation.
Contrairement aux idées reçues occidentales, souligne Hicham Alaoui, la vraie question n'est pas la compatibilité théorique entre islam et démocratie. L'histoire montre que dans le monde musulman, l'autorité religieuse était traditionnellement indépendante du pouvoir politique, contrairement à l'expérience occidentale. L'enjeu réside plutôt dans la capacité des partis islamistes à participer constructivement à la dynamique démocratique.
Pour qu'une transition démocratique réussisse dans le monde arabe, plusieurs conditions doivent être réunies : un équilibre des forces entre acteurs politiques, l'absence d'ingérence militaire excessive, un soutien économique international et une véritable volonté de compromis entre forces islamistes et laïques. Si l'exemple tunisien offre un modèle encourageant, sa réplication dans d'autres pays arabes nécessitera une convergence de ces facteurs favorables et une réelle volonté politique de l'ensemble des acteurs.