À 90 ans, Neil Rudenstine, ancien président de Harvard (1991-2001), publie "ious Universities", une analyse éclairante sur la transformation des mouvements de protestation étudiante aux États-Unis. Fils d'un immigrant ukrainien juif devenu gardien de prison, cet éminent spécialiste de la littérature de la Renaissance pose un regard unique sur près de six décennies d'activisme universitaire.
"Dans les années 1960, les étudiants étaient unis contre la guerre du Vietnam. Aujourd'hui, ils s'opposent les uns aux autres", observe Rudenstine, qui a vu émerger ces nouvelles dynamiques durant sa présidence à Harvard. Cette évolution s'est encore intensifiée après l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, créant des divisions profondes au sein des campus.
L'ancien président de Harvard souligne également la transformation profonde du corps professoral depuis l'après-guerre. "Les enseignants venaient majoritairement d'écoles privées prestigieuses comme Exeter ou Andover. Après les années 1970, ils sont issus d'horizons plus diversifiés, d'établissements publics et mixtes, ce qui a conduit à un corps enseignant plus libéral et ouvert", explique-t-il.
Concernant les récentes accusations d'antisémitisme sur les campus, Rudenstine adopte une position nuancée : "Il existe certainement des cas d'antisémitisme, ce qui est terrible. Mais une partie de ce qui est qualifié d'antisémitisme relève en réalité d'une opposition à la politique d'Israël, ce qui est très différent."
L'universitaire critique également la gestion des récentes manifestations, notamment à Columbia. "Faire appel à la police pour évacuer Hamilton Hall était probablement une erreur qui a engendré plus de problèmes qu'elle n'en a résolu. Une fois la police appelée, on perd toute capacité à gérer la situation de manière appropriée", affirme-t-il.
À travers son analyse, Rudenstine met en lumière comment la croissance et la décentralisation des universités ont complexifié leur gestion, particulièrement face à une population étudiante de plus en plus diverse. Son témoignage offre une perspective historique précieuse pour comprendre les défis actuels de l'enseignement supérieur américain.
Article adapté d'un entretien réalisé par Mark Oppenheimer pour Religion & Politics