Dans un entretien accordé à Jeune Afrique, depuis son quartier général ultra-sécurisé de Salé, Cherkaoui Habboub, directeur du Bureau central d'enquêtes judiciaires (BCIJ), reçoit avec une simplicité qui contraste avec le dispositif de sécurité environnant. Nommé en 2020 à la tête de cette unité d'élite, il évoque d'emblée l'opération majeure menée par ses services en février dernier.
"Cette intervention confirme la montée en puissance de la menace émanant de la branche sahélienne de Daech", explique Habboub. L'opération a permis de démanteler une cellule de 12 individus dispersés dans neuf villes marocaines, qui préparaient des attaques coordonnées contre les forces de l'ordre et des intérêts étrangers. Une cache d'armes, comprenant fusils d'assaut et munitions, a été découverte près de Boudenib, à la frontière est du pays.
Le directeur du BCIJ souligne un changement stratégique majeur : "La menace terroriste s'est déplacée du Moyen-Orient vers le Sahel, devenu un véritable épicentre d'instabilité". Cette évolution n'a pas surpris les services marocains, qui avaient anticipé ce glissement dès 2001. Sous la supervision de Abdellatif Hammouchi, directeur général de la surveillance du territoire (DGST), le royaume a renforcé sa politique de vigilance.
Le Maroc se trouve particulièrement exposé en raison de son engagement dans la lutte antiterroriste internationale, notamment depuis les attentats de Casablanca en 2003. "Notre pays est ciblé précisément parce qu'il représente un pôle de stabilité dans une région marquée par l'instabilité", analyse Habboub. Face à cette menace, le royaume a développé une approche globale combinant réformes religieuses, politiques sociales inclusives et anticipation sécuritaire.
La zone sahélienne pose un défi particulier aux services de sécurité marocains. Elle sert désormais de base arrière à plusieurs organisations terroristes qui profitent de la porosité des frontières et de l'interconnexion avec les réseaux criminels. Pour y faire face, le BCIJ s'appuie sur une collaboration étroite avec la DGST, privilégiant une approche proactive qui commence dès les premiers signes de radicalisation.
Créé en 2015, le BCIJ fonctionne comme une extension judiciaire de la DGST. Son action repose sur un processus rigoureux : collecte d'informations, analyse des renseignements, surveillance terrain et coordination avec le parquet. Les équipes disposent également de moyens technologiques avancés pour surveiller les activités suspectes sur Internet, devenu un vecteur majeur de la menace terroriste.
Ph. Haboub Cherkaoui, directeur BCIJ, Rabat, 25 février 2021 - HOC pour JA